Newsletter 12-2024
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DÉFENSE
Comment Multiplast est devenu un spécialiste de la construction de radômes et radars
Missionné par le groupe Thales, Multiplast a fabriqué depuis 2010 plusieurs dizaines de radômes, radars et sonars civils et militaires. Franck Martin, architecte naval du chantier, explique comment.
Comment Multiplast s’est-il lancé dans cet univers de la Défense, et particulièrement des radômes et radars ?
Tout a commencé au début des années 2000, lorsque Thales Training Simulation, qui avait entendu parler de notre expertise dans la fabrication de pièces composites de grandes dimensions, nous a appelés pour savoir si nous pouvions leur faire des dômes de simulateur pour l’hélicoptère Tigre. A la suite de cette première commande qui leur a apporté satisfaction, nous avons fabriqué une série de huit dômes. J’ai ensuite reçu un coup de fil d’une autre entité de Thales, celle qui s’occupe des radars, me demandant si on pouvait fabriquer un grand radôme en sandwich. Le radôme est la couverture du radar qui le protège des agressions environnementales. Là encore, nous avons répondu à la commande, si bien qu’ils nous ont sollicités de nouveau pour des radars en carbone. A l’époque, cela n’existait pas, les gens de chez Thales eux-mêmes ne savaient pas si c’était possible. La forme active de la parabole était parfaitement définie, mais ils ne savaient pas ce qu’il fallait mettre en œuvre pour structurer un ensemble qui ne se déforme pas dans son environnement météorologique. Pour donner une idée de la complexité de la tâche, entre ce coup de fil et la livraison du premier radar qualifié, il s’est passé une vingtaine de mois. Ce dossier était absolument passionnant, car nous avions face à nous des interlocuteurs qui représentaient la crème de la crème dans leur domaine, mais ne maîtrisaient pas le composite, et en ce qui nous concernait, c'était l’inverse. En partant de très loin, nous avons réussi à proposer un design et à fabriquer ce premier radar de surveillance côtière, le Coast Watcher 100. Depuis, Multiplast en a produit plus d’une cinquantaine !
Au point de devenir un vrai spécialiste des radômes et radars ?
Effectivement, en une quinzaine d'années, nous avons développé parfois des protos, à d’autres reprises des pièces en petites séries, certaines se sont arrêtées, d’autres sont encore en production. Je pense que depuis notre premier radôme, en 2008, nos équipes ont dû travailler sur une quinzaine de modèles différents, pour une cinquantaine d’exemplaires livrés annuellement. Ces composants à usage radioélectrique, comme on les appelle, représentent aujourd’hui de 15 à 20% du chiffre d’affaires de Multiplast. Cette activité nous a beaucoup aidés pour accélérer notre diversification et aller chercher d’autres marchés dans les domaines de l’aérospatial et de la Défense. De telles références sont une belle carte de visite, y compris auprès d’autres entités de Thales, dont celle dédiée aux sonars, avec qui Multiplast collabore aujourd’hui étroitement.
Vous a-t-il fallu adapter l’outil industriel pour répondre à la commande de ces pièces qu’on imagine assez spécifiques ?
Le changement fondamental, c’est qu’au bout de quelque temps, Thales nous a informé que si nous voulions continuer à travailler pour eux, il fallait que le chantier soit certifié. Dans ce contexte, nous devions a minima acquérir la certification ISO 9001, ce qui a été fait en même temps que la certification EN 9100, qui permet de travailler dans l’aéronautique. Cet ensemble de démarches particulièrement exigeantes a constitué un gros travail pour l’ensemble de nos services, donc oui, il a fallu adapter notre outil de travail et nos procédures, afin de passer avec succès les audits de nos clients et ceux des organismes de certification (voir l’interview de Myriam Akalay dans notre newsletter d’octobre). En ce qui concerne les matériaux mis en œuvre et les méthodes de travail par contre, il n’y a pas de différences fondamentales avec ce que nous réalisons dans d’autres secteurs. Pour simplifier, je dirais que la principale différence concerne le niveau d’exigences techniques, particulièrement élevé pour garantir la transparence aux ondes ou au contraire la réflectivité des pièces destinées à ces équipements radioélectriques. Des écarts de quelques dixièmes de millimètres par rapport aux exigences de tolérances de formes, de dimensions ou de positions de perçages peuvent amener à rebuter une pièce. Ce qui serait acceptable sur un bateau ne le sera pas sur un radôme ou un radar.
© Jean-Marie LIOT
EN BREF
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INTERNE. Pour la quatrième année consécutive, le photographe Jean-Marie Liot a transformé l’atelier de peinture de Multiplast en studio photo, le 26 novembre dernier, pour tirer le portrait de tous les collaborateurs, seuls et en groupes. Ces photos sont destinées à être affichées dans le hall d’entrée de l’entreprise et serviront également à illustrer les portraits qui sont régulièrement présentés sur les réseaux sociaux de Multiplast.
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COURSE. La saison des Ocean Fifty Series s’est achevée en beauté pour Primonial : deuxième du Grand Prix de Sainte-Maxime en octobre, le trimaran de Sébastien Rogues, construit chez Multiplast, a terminé en tête du classement général du circuit, avec trois victoires sur les cinq épreuves disputées en 2024 : Grand Prix de Pornichet-La Baule, Route des Terre-Neuvas et Med Max.
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TRANSPORT MARITIME. Multiplast vient de livrer à SolidSail Mast Factory (SMAF) les trois tronçons de 40 mètres des mâts du futur Orient Express Corinthian, navire de croisière de luxe qui entrera en service au début de l’été 2026, opéré par la marque du groupe Accor. Les mâts sont désormais en cours d’assemblage, tandis que Multiplast s’est attaqué à la fabrication des voiles constituées de panneaux de carbone, qui seront toutes terminées à l’automne 2025. Par ailleurs, l’équipe dirigeante de SMAF a passé la journée du mercredi 16 octobre à faire le tour de ses partenaires associés, dont Multiplast, l’occasion de mettre la main à la patte en drapant un panneau en composite.
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COURSE. L’année 2024 aura été particulièrement riche pour le Sun Fast 30 One Design : le monotype construit par Multiplast et Jeanneau l’aura commencée en étant élu Voilier de l’année par la rédaction de Voile Magazine, il aura ensuite participé à ses toutes premières courses, avec en point d’orgue la Drheam-Cup en juillet et le Championnat du Monde de course au large double mixte en septembre à Lorient, avant de recevoir le prix du “Performance Yacht of the Year” lors des récents British Yachting Awards.
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COURSE. La construction du futur Imoca de l’équipe japonaise DMG Mori a débuté en octobre par la fabrication des moules qui seront terminés le 10 janvier. Le 60 pieds sera livré à Kojiro Shiraishi au printemps 2026.
- PODCASTS. Multiplast a été à l’honneur dans deux podcasts ces dernières semaines : le 106e épisode d’Into The Wind, le podcast de Tip & Shaft, a ainsi reçu son directeur général, Yann Penfornis, l’occasion pour lui de raconter son parcours, tandis que Samuel Napoleoni, chef de projet, était l’invité du 2e épisode de Transitions, podcast lancé par la classe Imoca, qui s’est intéressé à l’impact carbone de la construction de bateaux de course et aux moyens de le réduire.
© Jean-Marie Liot
PLAISANCE
Jaric, la belle histoire continue
Mis à l’eau début décembre, Jaric, vedette à moteur de 60 pieds, est la nouvelle pièce de la collection d’un véritable passionné de bateaux esthétiques et performants, Jacky Setton. Cette unité est tout aussi singulière que celles déjà construites par Multiplast depuis quinze ans pour ce propriétaire fidèle.
"Entre 60 et 70", Jacky Setton lui-même n’est pas vraiment certain du nombre de bateaux qu’il a possédés. L’homme d’affaires franco-américain - ancien président de Pioneer France notamment - en possède encore une dizaine chez lui, à Porto Cervo (Sardaigne), dont six ont été construits en une quinzaine d’années par Multiplast. Le dernier, Jaric, vedette à moteur de 60 pieds dessinée par le cabinet Mauric, est tout juste sorti du chantier.
"Nous ne pouvons pas dire non à un client comme Jacky Setton", confie Yann Penfornis, le directeur général de Multiplast, à l’évocation de ce propriétaire aussi unique que visionnaire. "Je le connais depuis 30 ans, poursuit-il. Il était venu en 1995 naviguer à La Trinité sur Magic Cat, catamaran de croisière de 82 pieds que nous étions en train de livrer. Monté sur le roof, il m’avait dit : "C’est ici que devrait être la timonerie". Cela m’avait semblé totalement farfelu comme idée, mais finalement, il était visionnaire et l’évolution des catas de croisière lui a donné raison !"
La première collaboration entre Jacky Setton et Multiplast démarre une quinzaine d’années plus tard : "En 2009, nous avons construit pour lui un magnifique dayboat baptisé Ciao Gianni en hommage à son ami Gianni Agnelli. Jaro, que nous avons livré l’an dernier (voir notre newsletter d’octobre 2022), en est une évolution. Jacky qui navigue essentiellement en solitaire, le sort très souvent tant il aime barrer au près cette belle carène. Et en juin 2023, avant même que nous l’ayons fini, il a voulu un bateau à moteur custom."
Une vedette capable
d'atteindre 40 noeuds
Le dessin en a été confié au cabinet Mauric - d’où son nom, contraction de Jacky et Mauric - avec lequel s’est également nouée une relation au long cours. "C’est une longue histoire entre Jacky Setton et Mauric. Nous avions fait en 1982 un bateau baptisé Pioneer, évolution de Kriter VIII, sur lequel il avait mis sa patte, il se l’était approprié, se souvient Vincent Seguin, président de Mauric. Il est revenu vers nous il y a un an et demi, intéressé pour se faire construire une vedette de plaisance. Il avait flashé sur le design de quelques-uns de nos bateaux de travail, en particulier nos vedettes de sauvetage."
Jaric, capable d’atteindre 40 nœuds ou de parcourir 300 milles nautiques à 30 nœuds, est une vedette de plaisance avec les codes des navires de travail, notamment en termes de carène, décrit ce dernier. On a conçu un hybride entre des bateaux de sauvetage réputés pour leur excellente tenue à la mer, qui vont à 25-30 nœuds, et des intercepteurs plus rapides, tout en y intégrant à l’intérieur le confort et la finition qu’il souhaitait. Jacky veut avant tout un bateau vivant, sur lequel il éprouve du plaisir à aller en mer, même quand ça bastonne un peu, il n’a pas peur d’aller affronter la houle, le vent et les intempéries. Et pour ça, chaque détail compte."
Yann Penfornis confirme : "C’est quelqu’un qui s’implique énormément dans le dessin. Le moindre détail l’intéresse et il connaît tout de ses bateaux. C’est vraiment gratifiant de mettre tant d’énergie dans ses projets car nous savons qu’il voit tout et qu’il apprécie le moindre détail." Pour Mauric et Multiplast, ce projet permet de se tirer vers le haut : "Chacun apporte sa touche sur le travail du composite et sa mise en œuvre, entre nos codes développés sur les bateaux de travail et l’approche plus sophistiquée et technique de Multiplast, issue du monde de la course au large", explique Vincent Seguin.
Et Yann Penfornis de conclure "La longévité et la qualité de notre relation prouvent que nous savons satisfaire un client en lui apportant les solutions qu’il recherche. C'est toujours enrichissant de travailler pour un propriétaire aussi exigeant, capable de nous challenger, mais aussi de nous faire confiance."
© Safran
AÉROSPATIAL
Multiplast sur le marché des "bellmouth"
Engagé depuis plus de quinze ans dans une politique de diversification, Multiplast a notamment développé son activité dans le domaine de l’aéronautique et de l’espace, en relation avec des donneurs d’ordres qui sont des poids lourds du secteur. Le chantier vannetais a ainsi été contacté il y a près de dix ans par Safran Aero Boosters, division du groupe Safran basée près de Liège, en Belgique, pour réaliser des « bellmouths », à savoir des entrées d’air destinées aux bancs d’essai des moteurs d’avion. Ces entrées d’air canalisent le flux d’air qui alimente les turbines à compression des moteurs.
"Les avionneurs réalisent périodiquement la maintenance des moteurs. Ces moteurs sont démontés , vérifiés, et impérativement testés fonctionnels et conformes avant toute repose sur l’avion", explique Jérémy Mazzolini, responsable du bureau d’études de Multiplast. Dans ce cadre, "Safran Aero Boosters produit des bancs d’essai complexes, composés de très nombreuses pièces mécaniques et aérodynamiques. L’entrée d’air "bellmouth", pour laquelle est missionné Multiplast, est un constituant critique du banc d’essai de par sa forme intérieure qui doit être parfaite”.
Après avoir fabriqué une première "bellmouth" de 4 mètres de diamètre pour 2,30 de hauteur en 2016, Multiplast en a livré deux autres dans la foulée. Depuis, le rythme de production "s’est considérablement accéléré", selon Jérémy Mazzolini. Les équipes vannetaises ont depuis à leur "catalogue" cinq modèles de dimensions variées, sans parler des entrées d’air prototype réalisées pour Airbus dans le cadre des programmes de remotorisation NEO, que Multiplast est capable de fabriquer en petite série. L’actualité du chantier dans ce domaine ? "Nous fabriquons en ce moment la première entrée d’air d’une série de dix pièces de 2,90 mètres de diamètre pour une hauteur de 1,70 mètre", répond le directeur du bureau d’études.
Des opérateurs spécialement formés
Construites en préimprégné ou en infusion, ces pièces requièrent un très haut degré de technicité. "Dans le domaine de l’aéronautique, il n’y a pas de place au doute ou à l’imperfection, on est dans des marges entre le centième et le dixième de millimètre, explique Moussa Khalfallah, l’un des deux ingénieurs chargés du projet, avec Samuel Napoleoni. Par exemple, nos techniciens insèrent à l’intérieur des « bellmouth » des capteurs de pression qui vont mesurer les perturbations de flux d’air. Si ce flux est perturbé par une légère marche ou un creux, aussi infime soit-il, les mesures sur la qualité de l’écoulement d’air seront incorrectes. Il y a donc une très grande exigence sur le niveau de finition de la veine d’air."
C’est également pour cela que les opérateurs chargés de fabriquer ces entrées d’air sont spécialement formés. "L’équipe de Myriam Akalay, responsable Qualité, veille à ce qu’ils soient à jour de leur certification à plusieurs procédés spéciaux, tant dans leur formation que dans leurs aptitudes", confirme Jérémy Mazzolini. Tout ce process donne lieu à un point hebdomadaire entre Multiplast et les équipes belges de Safran Aero Boosters, qui viennent également régulièrement sur site. "C’est notamment le cas quand est organisée la « Production Readyness Review » qui permet de valider que le dossier de fabrication est conforme aux besoins client", précise Moussa Khalfallah.
L’avenir de ce marché pour Multiplast ? "Aujourd’hui, les voyants sont au vert avec une croissance accélérée de notre chiffre d’affaires avec Safran", répond Damien Harlé, président du Groupe Carboman, qui se réjouit de voir un nouvel acteur industriel d’envergure (après Thales ou Airbus, par exemple), faire confiance à Multiplast : "Notre expérience sur ces pièces aéronautiques est chaque jour plus grande et nous positionnent aux yeux des donneurs d’ordre comme des experts du composite qui savent comprendre leurs exigences mécaniques, aérodynamiques, et fonctionnelles."
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