NEWSLETTER 2020-11
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Sodebo Ultim 3 et le Maxi Edmond de Rothschild se sont élancés dans la nuit de mardi à mercredi à une demi-heure d’intervalle à l’assaut du Trophée Jules Verne. Deux trimarans construits par le chantier Multiplast dont l’histoire est intimement liée à celle du Trophée Jules Verne. Son directeur général, Yann Penfornis, raconte.
© Copyright Eloi Stichelbaut / Gitana SA
Multiplast a été impliqué dans le Trophée Jules Verne dès sa création, en 1992, avec le refit de Commodore Explorer, comment a démarré l’aventure ?
Au début, Gilles Ollier (architecte et fondateur du chantier) n’était pas fan du projet, il avait été assez marqué par les accidents survenus sur Jet Services IV et V et notamment par la disparition de Daniel Gilard. Donc quand Bruno Peyron lui a proposé, en 1992, de racheter Jet Services V pour le record du tour du monde alors que c’était un bateau surtout fait pour La Course de l’Europe, Quebec Saint Malo et le Record de l’Atlantique, Gilles ne l’a pas forcément vu d’un bon œil. C’est d’ailleurs pour cela qu’il m’a confié le projet, alors que j’étais un jeune architecte. Il a fallu rallonger Commodore Explorer, un mètre devant et deux mètres derrière, stratifier les poutres au bateau qui était à l’époque démontable, renforcer la poutre centrale et avancer la poutre avant, enlever le bout-dehors, mettre un étai intermédiaire et des protections latérales de cockpit, installer un micro-aménagement intérieur… Ça a été une opération commando : Bruno avait acheté le bateau en septembre 1992, il a été mis à l’eau début janvier 1993, avant de partir à la fin du mois. L’histoire a été très belle puisque Bruno Peyron est passé sous les 80 jours dès cette première tentative…
Enza, en 1994, puis Sport-Elec, en 1997, vont ensuite s’emparer du Trophée Jules Verne, avant les deux records de Bruno Peyron à bord d’Orange (2002) puis d’Orange 2 (2005), des bateaux marquants pour vous ?
Oui, surtout Orange 2. Pour le premier, on pensait au départ moins au Jules Verne qu’à The Race, un gros projet que nous avons accompagné de 1997 à 2000, et pour lequel nous avons construit Club Med et Innovation Explorer qui deviendra Orange, mais aussi dessiné Team Adventure pour Cam Lewis. Comme Bruno avait été frustré de ne pas naviguer puisqu’il organisait la course, il avait décidé de monter un projet de Jules Verne un peu à la dernière minute. Un projet payant puisqu’on avait effectivement récupéré le record en 64 jours ! Et surtout, à peine revenu, il avait en tête de lancer une vraie belle machine de records, qu’il nous a confiée et qui a été le dernier bateau où nous avons été à la fois architecte et constructeur. Sur Orange 2, un 4x4 avec des poutres hautes, on a mis tout ce qu’on avait appris en termes de conception que de fabrication.
Sans oublier le record de Geronimo en 2004…
Nous avons effectivement fabriqué le trimaran d’Olivier de Kersauson, un beau projet sur lequel on a été un peu frustrés dans la mesure où Olivier de Kersauson avait refusé certaines évolutions pourtant validées sur les Orma, comme les foils et les safrans de flotteur.
Ce que vous avez fait sur Groupama 3…
Oui, Groupama 3 était un grand Orma. Ça a été un bateau compliqué à construire, 18 mois contre 15 pour Orange 2, il a fallu aussi le reconstruire après son chavirage sur sa première tentative en 2008. Mais ça a été le premier grand trimaran océanique à réellement naviguer sur une coque et à l’arrivée une superbe aventure, puisqu’il il a gagné deux fois le Trophée Jules Verne, qu’il détient toujours (sous le nom d’Idec Sport), et trois fois la Route du Rhum.
C’est maintenant au tour du Maxi Edmond de Rothschild et de Sodebo Ultim 3, que Multiplast a construits (*) de viser ce Jules Verne, comment voyez-vous ces deux bateaux ?
Depuis le début, le Gitana Team a eu l’audace de faire le premier bateau volant océanique avec l’objectif de réaliser cela à l’échelle d’un tour du monde, ils ont vraiment axé le Maxi Edmond de Rothschild sur ce concept qu’ils ont réussi à valider, en travaillant notamment sur l’aérodynamisme et l’asservissement des appendices. Thomas et son équipe étaient quant à eux dans l’optique, quand ils ont conçu Sodebo Ultim 3, de débuter par une course autour du monde en solitaire, ce qui les a conduits à faire un bateau moins extrême, mais maintenant que le programme a changé, ils rattrapent le temps perdu. Ce qui est en tout cas extraordinaire, c’est de voir qu’il y a 30 ans, on se demandait si c’était possible de passer sous les 80 jours, alors qu’aujourd’hui, on parle de naviguer moins de 40 jours à 28 nœuds de moyenne !
A côté de ces performances, qu’est-ce qui marque le plus un constructeur comme Multiplast ?
Ces évolutions technologiques rendent les bateaux de plus en plus compliqués à construire : Jet Services V avait nécessité 25 000 heures de travail, il en a fallu 75 000 pour Groupama 3, 140 000 pour le Maxi Edmond de Rothschild ! Cela représente énormément d’énergie mais de tellement belles satisfactions quand le record est au bout de l’histoire.
(*) Multiplast a construit l’ensemble de la plateforme de Maxi Edmond de Rothschild, sauf le roof et les carénages de bras, ainsi que les 3 coques et l’assemblage de Sodebo Ultim 3.
5 bateaux et 6 records
Depuis sa création, Multiplast a détenu le Trophée Jules Verne à six reprises :
1993: Commodore Explorer (Bruno Peyron) 79 jours 6 heures 15 minutes 56 secondes
2002 : Orange (Bruno Peyron) 64 jours 8 heures 37 minutes et 24 secondes
2004 : Geronimo (Olivier de Kersauson) 63 jours 13 heures 59 minutes et 46 secondes
2005 : Orange 2 (Bruno Peyron) 50 jours 16 heures 20 minutes et 4 secondes
2010 : Groupama 3 (Franck Cammas) 48 jours 7 heures 44 minutes 52 secondes
2017 : Idec Sport (Francis Joyon) 40 jours 23 heures 30 minutes 30 secondes (record à battre)
Plus d’information
Yann Penfornis : +33 2 97 40 98 44 / +33 6 12 05 86 97
"If your dreams don't scare you, they are not big enough"